Lycée JEAN ZAY (45) ORLEANS

Licence Creative Commons Nous deux [9 avril 2020]

 Description

Vendredi 8 novembre 2019, Amandine Sarazin remportait à l'unanimité le premier prix pour sa nouvelle "Nous deux", qu'elle a lue devant les parents, élèves, professeurs, personnels et direction du lycée Jean Zay, ainsi que devant Mmes Zay, M. Sueur, le cercle Jean Zay.
 
Elle était accompagnée par Achille Bouilhet, qui lui aussi avait remporté un troisième prix pour sa nouvelle "La Loi du nord". Cette nouvelle a été mise en musique par Alain Berthet (piano) et Noé Perdereau-Saraiva de 2de12 (basse).
 
Le comité du Festival Cannes 1939 et le cercle Jean Zay remettaient ce soir-là leur prix aux quatre lauréats du concours de nouvelles de l'académie Orléans-Tours, parmi lesquels trois élèves de la 2nde 12 du lycée Jean Zay. Il s'agissait d'imaginer une nouvelle à partir d’un seul ou d’au moins dix titres de la sélection du festival de Cannes 1939. Pour cela, les élèves ont bénéficié la deuxième semaine de septembre, durant trois jours de bain d'écriture, des conseils et de l’expérience de Christophe Fourvel, écrivain et animateur d’ateliers d’écriture, de Sandrine Leturcq, professeure documentaliste, et de Madame Jolibois, professeure de littérature et professeure principale. Cet atelier a pu être réalisé avec la subvention du Conseil régional grâce au dépôt d’un dossier en avril dernier.
 
Texte de la nouvelle :
 
Nous deux
 
Toi et Moi, Il et Il, Lui et Lui, en bref : nous deux.
Nous deux, dans cette rue, des regards qui s’échangent et mon pouls s’accélère. Nous deux, les yeux rivés sur nos smartphones, des textos qui s’envoient et le début d’un sourire qui se forme au coin de ma bouche. Nous deux, avançant pas à pas l’un vers l’autre, le souvenir de son regard et mon sourire timide se transforme en un sourire éclatant animé par la joie de le revoir. Nous deux, dans ce parc, nos pupilles dilatées, à la recherche d’un coin d’intimité et mes mains commencent à trembler. Nous deux, assis sur ce banc, à l’abri du monde qui nous entoure et ma main qui se mêle à la sienne. Nous deux, dans cette bulle, nos corps qui se rapprochent et son parfum m’emporte dans un lieu inconnu mais réconfortant. Nous deux, toujours sur ce banc, les feuilles qui frémissent avec le vent et ses lèvres effleurent les miennes. Nous deux, accrochés aux lèvres de l’autre, sa main qui passe dans mes cheveux et mon cœur s’emballe. Nous deux, nos deux corps enlacés comme le lierre, on ne fait plus qu’un et ce moment efface mes tourments. Nous deux, dans ce parc, jeunes insouciants qui n’ont pas peur des jugements et je me sens libre. Nous deux, rue de la Bretonnerie, le sourire qui disparaît peu à peu et nos lèvres qui se retrouvent. Nous deux, sur les pavés trempés, les au-revoir de la fin d’après-midi et nos yeux qui brillent. Nous deux, des kilomètres qui nous séparent, le téléphone à l’oreille et sa voix me captive. Nous deux, chacun sur son lit, loin de l’autre et mon cœur se serre. Nous deux, marchant dans la même direction, des questions plein la tête et mon cerveau s’embrase. Nous deux, devant ce lycée, la peur au ventre de chaque regard et sa main qui prend la mienne. Nous deux, dans ce couloir du bâtiment A, nos têtes baissées et mon corps se fige. Nous deux, dans cette classe, essayant de rester les pieds sur terre et mes yeux naviguent entre mon cahier et lui. Nous deux, à cette table, des rires qui fusent et mon cœur palpite. Nous deux, dans ce hall, fiers de ce qu’on est malgré tout et je n’ai jamais été aussi heureux.
 
Je n’ai jamais été aussi heureux.

Nous deux, dans cette chambre, première dispute et premier désaccord et son ton monte. Nous deux, dans sa chambre, les yeux remplis de haine et son corps qui s’impose devant moi. Nous deux, dans sa maison, son poing qui se lève et la douleur s’empare de moi. Nous deux, dans sa rue, seuls au monde et je suis à terre. Nous deux, dans son quartier, son corps qui descend à mon niveau et ses yeux dans les miens. Nous deux, juste nous deux, des excuses et des promesses, ma tension qui redescend et mon souffle qui s’apaise. Nous deux, à cette table, des rires qui fusent et mon cœur palpite toujours. Nous deux, dans ce hall, fiers de ce qu’on est malgré
tout et j’ai déjà été plus heureux.

Moi, j’ai déjà été plus heureux.

Nous deux, dans cette classe, mes pieds qui se crispent comme le reste de mon corps et mes larmes montent. Nous deux, dans ce parc, son regard qui cherche le mien et mon sourire revient doucement. Nous deux, assis sur ce banc, collés l’un à l’autre et le temps ralentit. Nous deux, dans cette bulle, jeune couple d’adolescents et personne ne pourra nous séparer. Nous deux, toujours sur ce banc, ses immenses bras qui me rassurent et toutes les fautes sont oubliées. Nous deux, dans cette chambre, encore une dispute et mon cœur bat. Nous deux, dans ma chambre, son poing qui se relève et ma respiration qui s’arrête. Nous deux, dans ma maison, seuls, mes paupières qui se ferment et je me rappelle de cette émission sur ces femmes violentées. Nous deux, dans ma rue, ses mains sur moi, des secousses et j’ai honte. Nous deux, dans mon quartier, des excuses et des promesses et je n’y crois plus. Nous deux, juste nous deux, il s’en veut et ma tension ne cesse de croître. Nous deux, à cette table, des rires qui fusent et mon cœur a cessé de palpiter. Nous deux, dans ce hall, j’ai honte de ce que je suis.

Moi, j’ai honte de ce que je suis.

Nous deux, dans ce hall, les regards tournés vers nous, pas pour les bleus sur ma joue mais pour notre différence. Nous deux, dans ce couloir du bâtiment A, ce mot qui résonne autour de nous et je préfère les coups physiques. Nous deux, dans cette classe, rejetés et exclus, il ne me reste plus que lui et mes bleus passent inaperçus. Nous deux, dans cette cour, des regards insistants et je suis gay.

Moi, je suis gay.

Nous deux, dans ce coin, sans personne autour et j’entends sa main claquer contre ma joue. Nous deux, dans cette cour, seuls au monde et mes larmes coulent. Nous deux, dans ce lycée, plus d’excuses et de promesses et il ne reste plus que moi. Moi, dans ce coin, mes larmes sont maintenant une tache sur mon pullover et mon cœur tremble. Moi, dans cette cour, tout seul et je me rappelle ces femmes, cette émission, je ne garderai pas le secret. Moi, dans ce lycée, me dirigeant vers le hall et regardant autour de moi. Moi, dans ce hall, je vais être fier de ce que je suis.

Moi, je vais être fier de ce que je suis.

Moi, dans ce couloir, avançant sans me retourner par peur de faire demi-tour et je respire profondément. Moi, devant cette salle, les mains moites et les genoux qui vacillent. Moi, devant cette femme, des demi-lunes sur ma paume et je commence à raconter toute l’histoire. Je m’appelle Samuel, je suis gay, j’ai été battu, harcelé et aujourd’hui j’ai décidé de parler. Moi, j’ai décidé de parler de nous deux et de tous ceux qui m’ont fait douter de qui je suis.

Moi, j’ai décidé de ne plus me taire.

 
Vous pouvez lire la nouvelle dans son intégralité ici : Article "nous-deux par-amandine-sarazin"
 
Nouvelle écrite par Amandine Sarazin ( 2nde 12 )
Projet « Jean Zay fait son festival ! »
Lauréate du Concours Cannes 39, 1ère place à l’unanimité

Mots clés : ecriture lecture musique nouvelle

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